L’homme a dirigé l’institution de 1990 à 2001. Il a repris sa pratique du dessin en 2007. La présentation est très réussie.
C’est «La deuxième fois». Ou la troisième, suivant la manière dont on compte. Paolo Colombo a en effet commencé par exposer dans le tout jeune Centre d’art contemporain. Nous étions en 1978. Alors dirigé par sa créatrice Adelina von Fürstenberg, il s’agissait d’un lieu éminemment volatil. Il n’avait guère d’endroit fixe pour se poser à Genève. L’Italien est ensuite devenu par glissement curateur, montrant du coup les oeuvres des autres. Il a mis de côté son propre travail. C’est ainsi que de 1990 à 2001, succédant à Adelina, il s’est retrouvé à diriger le Centre, qui devait faire partie d’un Bâtiment d’art contemporain à ouvrir. Ce qui a été chose faite en 1994. Paolo Colombo est resté afin de donner vie à cette Kunsthalle (une institution sans collections) jusqu’en 2001. Puis il est reparti, laissant la place à d’autres. En 2007, installé à Athènes, l’homme a tardivement repris son activité personnelle. Aujourd’hui, il se retrouve présenté comme plasticien au Centre. L’avant-dernier accrochage avant des travaux devant durer au moins trois ans…
Un travail de bénédictin
Que montre Paolo Colombo? Des pièces raffinées et discrètes, très éloignées du gigantisme manifesté par nombre de jeunes artistes. Ce sont des aquarelles et des broderies. Des choses voulues modestes. Leur auteur est né en 1949 à Turin, ce qui n’a rien d’innocent. C’est la ville où allait se révéler dans les années 1960 l’«Arte povera» (aujourd’hui remis en selle par la Fondation Pinault à Paris). Il y a donc au quatrième étage du CAC des tableaux aquarellés par un véritable miniaturiste. Des mots poétiques entourés de milliers de petits points. Des quadrillages aussi fins qu’une trame de tissu. Des têtes qui pourraient sortir d’une mosaïque byzantine ou d’un ouvrage textile copte. Le spectateur reste impressionné par la somme d’heures qu’il aura fallu pour réaliser chacune des pièces. Conçue dans une pseudo-urgence, la production actuelle n’offre d’ordinaire plus rien d’un travail de bénédictin. C’est l’esthétique de la truelle. Le public comprend du coup tout ce que les oeuvres de Paolo Colombo peuvent posséder de méditatif. Il s’agit ici de nous parler de l’existence, d’une beauté sans rien d’éphémère et d’histoire de l’art.
Présentation colorée
Cette quarantaine de créations, qui couvre en fait un demi-siècle d’activité avec une grosse pause au milieu, se voit complétée par de la documentation en vitrines. Elle tient un peu du mode d’emploi. Il y a aussi des vidéos courtes. Soixante secondes en moyenne, mais une minute peut se révéler très longue. Cette petite exposition, au caractère très intime, se voit proposée dans un décor coloré, l’art contemporain sortant parfois enfin de l’hôpital tout blanc. Le corridor est d’un mauve à la mode. La grande salle coupée au milieu en deux zones d’un ton différent. Ah, j’oubliais! Il y au milieu un tapis de Paolo Colombo, tissé par des artisans indiens. L’homme ne fait pas tout lui-même. Ce n’est pas non plus lui qui brode, mais les membres de la galerie itinérante ITERARTE. Il s’agit d’intégrer l’artisanat à l’art, et vice-versa. Je me suis du coup permis de penser à Alighieri Boetti. D’ailleurs Boetti était également né à Turin… Tout se tient, finalement. Andrea Bellini, qui dirige aujourd’hui le CAC et qui signe l’exposition, s’est naguère occupé du Castello di Rivoli… à Turin.